INTRODUCTION  par Bernard Vermeylen

 

En Belgique, le nom de "D'IETEREN" est familier'. Il est intimement lié aux produits du groupe V.A.G. : VW, Audi et Porsche dont le réseau de vente y est rattaché. Ceux qui ont de la mémoire penseront aussi à la Studebaker. Il s'agit, en fait, d'une véritable dynastie de pionniers de l'automobile, dont l'histoire remonte à 1805, et dont les quatre étapes ont finalement suivi le développement de l'automobile en général, passant du charronnage et de la "menuiserie de voiture" à la carrosserie automobile proprement dite au début du siècle, puis à l'importation et au montage des voitures américaines au milieu des années trente, au moment du déclin de l'industrie de la carrosserie, glissant ensuite, de plus en plus -et exclusivement après 1966- vers l'importation et le montage des VW, ce qui était, en 1948, un fameux "coup de flair".  Après la fructueuse collaboration avec Studebaker, celle avec Volkswagen et les firmes associées donnera à la société sa prodigieuse dimension   industrielle et commerciale actuelle.

 

LES DÉBUTS

Rien de tout cela n'aurait existé si, en 1805, Joseph-Jean D'Ieteren n'avait ouvert, dans une maison située au coin de la rue de la Blanchisserie et de la rue du Marais, en plein centre de Bruxelles, cet atelier de charronnage et de menuiserie de voiture, dont la notoriété grandissante s'appuyait sur un travail de grande qualité, comme l'expliquait en 1830 un journaliste qui relatait l'Exposition Nationale Industrielle à Bruxelles  Mais la pièce qui offre le plus d'intérêt est un tilbury de J.J. D'Ieteren. Les jantes des roues sont chacune d'une seule pièce les brancards se prolongeant autour de la caisse de la voiture sont d'un seul morceau de frêne ; le panneau de la caisse est aussi d'une seule pièce recourbée et bombée sur les trois côtés". Et le chroniqueur ajoute : "Cette production fait bien voir que Bruxelles possède encore des charrons d'une grande habileté !".

 

 

LA VALSE DES NOMS

A la mort de Joseph D'Ieteren en 1832, la société maintenant dirigée par ses deux fils Adolphe et Alexandre prend naturellement la dénomination "D'Ieteren Frères".

  A partir de 1857, Alexandre poursuivit seul, sous son nom, les activités de la société en y ajoutant la    peinture et le garnissage des carrosses, dans un nouvel atelier établi 106, rue Neuve.

En 1872, les deux fils d'Alexandre, Alfred et Emile, s'associent à leur père, la firme s'appelant dès lors "A. D'Ieteren et Fils". Les travaux de voûtement de la Senne, entrepris à partir de 1871, sous l'impulsion du Bourgmestre Anspach, dans le centre de Bruxelles, furent à l'origine de la création du Boulevard Adolphe Max (appelé alors "Boulevard du Nord' - mais Bruxelles a bien changé depuis !). Ces grands travaux entraînèrent en 1873 l'expropriation des locaux de la société, qui fit construire de nouveaux et vastes ateliers à la Chaussée de Charleroi, où tous les métiers nécessaires à la fabrication de carrosseries se trouvaient réunis. 

Lorsqu'en 1878, Alexandre D'Ieteren prend une retraite bien méritée, Alfred et Emile reprennent l'ancienne raison sociale "D'Ieteren Frères".

 

 

LES CHEVEAUX DEVIENNENT VAPEUR 

D'Ieteren Frères, dont la tradition de progrès et de développement industriel était maintenant connue, ne pouvait manquer de s'intéresser à ce nouveau mouvement, et saisit donc immédiatement l'occasion de se faire la main, lorsque Camille Jenatzy, d'origine belge mais établi depuis peu à Paris, leur demanda de carrosser, en 1898, douze châssis de voitures électriques. Jenatzy devint célèbre peu après en dépassant, pour la première fois, les 100 km/h au volant de sa fameuse "Jamais Contente", le 29 avril 1899. En 1899 toujours, D'Ieteren carrossa dix voiturettes pour la jeune firme belge Vivinus. L'impulsion était donnée.

 

Après la commande de Vivinus, plusieurs autres châssis furent encore carrossés la même année, principalement en phaétons ou wagonnettes. Parmi les six premières carrosseries, cinq sont destinées à des châssis Panhard & Levassor ! A l'aube de ce siècle, les carrosseries "D'Ieteren Frères" habillent les châssis des provenances les plus diverses, parmi lesquels des Dasse, Vivinus, Nagant, et de nombreuses Germain à moteur Daimler-Phénix fabriquées sous licence Panhard & Levassor dans des ateliers situés à Monceau-sur-Sambre. Le succès remporté par les carrosseries d'automobiles est tel qu'il mobilise bientôt toute l'activité de la société, qui abandonne peu à peu la fabrication de carrosseries pour voitures à chevaux.

En 1905, la société livre un dernier baroud d'honneur pour cette activité tout juste centenaire avec la livraison à la Cour de Belgique de la berline de gala de Léopold II. Quelques calèches sortiront encore jusqu'en 1910.

 

 SM  LÉOPOLD II, CLIENT CHEZ D'IETEREN                                                                                

Vers 1905, D'Ieteren Frères a déjà fabriqué et livré 300 carrosseries pour automobiles, certaines à des personnages de renom, comme le Prince Victor Napoléon, un fidèle client, qui commande en 1903 un tonneau royal sur châssis Panhard & Levassor, et un coupé, également sur châssis Panhard & Levassor. Léopold II avait, lui, introduit l'automobile à la Cour de Belgique dès 1897, et fit en 1902 l'acquisition d'un coupé Panhard & Levassor carrossé par D'Ieteren Frères.

De l'été 1903 à la déclaration de guerre en août 1914, environ 2200 carrosseries furent ainsi fabriquées dans les ateliers D'Ieteren Frères, dont plus d'une centaine destinées à des châssis Panhard. Plusieurs voitures furent destinées à la C.I.A., autrement dit la Compagnie Internationale d'Automobiles, dont le siège sis 12, rue du Magistrat, était à un jet de pierre des ateliers D'Ieteren. La CIA, qui était l'importateur Panhard & Levassor, exposa plusieurs de ces voitures dans les Salons de l'Automobile, qui se tenaient, depuis 1902, dans l'une des deux grandes nefs du Palais du Cinquantenaire (celle ou se trouve l'actuel musée de l'aviation, face à Autoworld).. Armes BE

 

50, RUE DU MAIL À IXELLES

Les types de carrosseries de la première décennie n'ont pas grand'chose à voir avec ceux d'aujourd'hui ; on y trouve, pêle-mêle, des landaulets, des phaétons, des "tonneau royal", "tonneau couvercle", "tonneau ballon", "tonneau démontable", coupé, "limousine démontable", "limousine salon ,"double phaéton", ou "omnibus".

En 1909 apparaissent les carrosseries "Clarence" en coupé, double coupé ou landaulet, et en 1911 des carrosseries ouvertes dont le système de capote fait appel aux brevets français Janko.

Entre-temps, en 1906, les ateliers D'Ieteren, devant faire face à une demande accrue, ont déménagé dans des locaux plus vastes situés 50, rue du Mail à Ixelles, ce qui constitue toujours actuellement le siège de la société.

En 1909, les fils d'Alfred (Lucien et Albert) entrèrent dans la firme, qui poursuivit son expansion jusqu'au déclenche ment du premier conflit mondial. Peu avant, l'exportation avait sérieusement commencé ; on note, par exemple, la livraison de plusieurs centaines de voitures à l'importateur anglais de Delaunay-Belleville

 

ALBERT D'IETEREN FONDE SA PROPRE ENTREPRISE

Juste après la guerre, en 1919, une nouvelle étape importante dans l'histoire de la société est franchie. Albert D'Ieteren quitte l'affaire familiale pour fonder sa propre société de fabrication de carrosseries.

 

Son frère Lucien fonde alors avec son oncle Emile une société anonyme qui reprend l'affaire familiale sous la dénomination "Anciens Ets D'Ieteren Frères". Après le décès accidentel d'Emile en 1921, Lucien D'Ieteren reste seul pour diriger la firme. Celle-ci n'en connaîtra pas moins un nouvel essor ; la décennie qui va suivre sera véritablement celle de l'âge d'or de la carrosserie "D'Ieteren Frères".

 

Et pourtant, à cette époque, la concurrence était vive : rien qu'en Belgique, plus de 35 entreprises se disputaient un marché tout de même relativement restreint. Le tableau reprend le nom de 314 carrossiers dont l'activité fut mentionnée entre 1923 et 1928 dans l'excellente revue "Englebert Magazine".

 

 

UNE EXPORTATION TOUT AZIMUTH

C'est pourquoi D'Ieteren mise à la fois sur la qualité de la réalisation, l'ouverture au progrès industriel et technique, et aussi sur une politique d'exportation.

 

C 'est ainsi, par exemple, qu'en 1922, la société honora une commande de 200 voitures pour l'agent Minerva de New-York, Paul Ostruck. Des voitures sont exportées aussi bien vers les Pays-Bas ou l'Espagne que vers l'Egypte ou l'Amérique du Sud, et tout particulièrement l'Argentine.

 

En 1928, cette exportation se chiffre à plus de 65 % de la production. Entre-temps, les ateliers de la rue du Mail ont vu leur superficie passer de 4.000 à 10.000 m². Il faut dire que la firme ne ménageait pas ses efforts pour être présente là où il le fallait, comme, par exemple, au célèbre concours d'élégance d'Ostende, le plus important de Belgique avec celui de Spa.

 

En 1920, les 9 voitures inscrites à Ostende furent toutes primées : Six premiers prix et deux prix d'excellence, dont le premier prix attribué à la plus belle voiture ouverte. On remarquait, entre autres, un torpédo transformable (brevet Baehr) Delage, un torpédo Delaunay-Belleville, un torpédo transformable SAVA (marque belge) et le 'racing car' Panhard de M. Redemans, vainqueur de sa catégorie. Ce résultat était encourageant.

 

Aussi, l'année suivante, ce furent plus de vingt voitures qui participèrent, dont 15 transformables, sur châssis Minerva, Voisin, Rolls-Royce notamment, et aussi une nouvelle carrosserie ouverte dite "de chasse" sur châssis Fiat.

 

LE BREVET BAEHR

Au Salon de Bruxelles de décembre 1921, les puissants établissements de la rue du Mail exposaient 26 carrosseries. "Jamais, écrivit le chroniqueur de la "Revue Sportive Illustrée", depuis la création des salons belges, nous n'eûmes à enregistrer' une aussi forte participation d'une seule et même firme. On peut dire aussi que le torpédo transformable D'Ieteren Frères (brevet Baehr)-qui est bien la carrosserie la plus à la mode- a triomphé sur toute la ligne". Depuis 1920 en effet, les Anciens Ets D'Ieteren Frères ont acquis, exploité et développé les brevets Baehr portant sur la construction de carrosseries transformables

 

Deux ans plus tard, 175 transformables sont en circulation, à la grande satisfaction de leurs propriétaires. Plusieurs transformables ont fait, parait-il, plus de 60.000 km sang que le calage des glaces se soit déréglé. Au concours de voitures transformables organisé au Salon de Paris de 1921, ce système de carrosserie fut classé sept fois et obtint les deux grands prix. A noter que ce système peut s'appliquer aussi bien à des voitures de taille moyenne qu'à des grandes voitures, et se fait aussi bien en torpédo, qu'en cabriolet ou en racing car.

En 1922, ces transformables habillent surtout des châssis Minerva, Excelsior, FN, Nagant, Voisin, Hispano, Delahaye, Ballot, Rolls-Royce ou Fiat. Cette même année est livré le coupé-chauffeur sur châssis Excelsior, destiné à S.M. la Reine Elisabeth. A la fin de l'année, la participation de la firme au XVIe Salon de Bruxelles est, une fois encore, remarquable. Le nouveau transformable fait appel à une technique de panneaux semi-rigides, une solution entièrement différente de ce que l'on connaissait jusqu'ici. Toutes les parties souples de l'arrière et des côtés de la capote ont été remplacées par un ensemble constitué par des glaces reliées entre elles par des panneaux semi-rigides qui permettent d'épouser la forme arrondie de l'arrière de la voiture et de former le pourtour arrière de celle-ci. Bref, c'est vraiment la carrosserie idéale qui "transforme" le torpédo pratique en une confortable conduite intérieure ou en un cabriolet "up to date". Sur le "transformable sport", les sièges avant, généralement fixes, sont remplacés par deux fauteuils-club pouvant se déplacer suivant la taille du conducteur ; ils possèdent un dossier élastique qui augmente remarquablement le confort. De larges portières assurent un accès très aisé à la voiture.

 

En 1923, le système "transformable" sera encore perfectionné avec l'adjonction d'un nouveau type pourvu de deux glaces supplémentaires, qui, une fois relevées, transforment le cabriolet en une délicieuse conduite intérieure, qui peut également être employée sans la toiture avant. La participation de "D'Ieteren Frères" au XVIIe Salon de Bruxelles fut plus extraordinaire encore que les années précédentes ; non seulement on put admirer à son stand des carrosseries merveilleuses, mais on pouvait de plus voir ses modèles sur les châssis les plus divers disséminés un peu partout, dont le splendide coupé Panhard & Levassor de Max Dugniolle, sur le stand de la C.I.A.

 

                                                                                                                 

LA LICENCE WEYMANN                                                                                                     

 

Cependant, l'augmentation de la vitesse moyenne et le développement du parc automobile furent des éléments déterminants dans le succès de la carrosserie fermée, berline, coupé ou limousine, qui gagnait de plus en plus la faveur d'un public épris de confort sur la route. Le transformable "système Baehr" constituait un grand pas dans cette direction.

En 1924 cependant, une technique entièrement nouvelle retint l'attention de Lucien D'Ieteren : la carrosserie souple Weymann. Charles T. Weymann, d'origine américaine mais vivant en France, déjà connu entre autres pour les instruments Jaeger et les indicateurs de niveau d'essence Nivex, avait déposé vers 1922 un brevet de carrosserie souple révolutionnaire, inspirée des procédés aéronautiques.

 

Jusque là, en effet, les carrosseries fermées souffraient beaucoup, du fait du manque de rigidité des châssis, de la conception primitive des caisses, et des suspensions, du mauvais état des routes enfin. Le progrès apporté par la solution Weymann était tel que, après avoir exposé les premières carrosseries au Salon de Paris 1923, le nombre de firmes ayant acquis la licence Weymann atteignait 74 dans le monde en 1925 et 123 en 1930.

 

Weymann

Après 1930, les carrosseries souples Weymann furent supplantées par les nouvelles carrosseries "tout acier". Malgré tout, la fortune de C.T. Weymann était faite. Il mourut en 1976 à Paris, âgé de 93 ans.

Le brevet Weymann fut donc acquis et au Salon de Bruxelles de décembre 1924 apparaissaient les premières "D'Ieteren Frères", portant la marque FEVAL. La première Panhard & Levassor à la recevoir fut une conduite intérieure 12 CV portant le numéro de carrosserie 3135 et livrée à un certain M. Aubecq.

Dès la fin de 1925, les conduites intérieures Weymann constituent la grande majorité des carrosseries qui sortent des ateliers de la rue du Mail. Elles équiperont jusqu'à la fin de la décennie environ une centaine de Panhard & Levassor, principalement en conduites intérieures, sur tous les types de châssis, de la 10 CV à la 8 cylindres 35 CV.

Au Salon de décembre 1927, la CIA expose par exemple deux conduites intérieures Weymann sur châssis 10 HP et 20 HP. Parmi les châssis favoris de la carrosserie D'Ieteren Frères, on retrouve surtout Minerva, mais aussi Panhard, Excelsior, Hispano et Voisin. Le tableaureprend le détail, par marque, du nombre de châssis carrossés entre le N° 31435 de novembre 1925 et le N° 41478 de 1930 : 855 ont été identifiés. On ne sait pas à quelles voitures ont été attribués les 198 autres.

 

LE BREVET HIBBART & DARRIN

Toujours au faîte de l'actualité, D'Ieteren construit vers 1928 quelques carrosseries d'après les brevets déposés par les carrossiers franco-américains Hibbard & Darrin.

 

 

LE BREVET VISCAYA

Mais au Salon de Paris de 1930 apparaît un nouveau perfectionnement en matière de carrosserie métallique : la carrosserie tout aluminium élaborée par J-A de Viscaya.

Elle se compose d'éléments en tôle d'aluminium assemblés par boulons, mais séparés les uns des autres par une feuille de caoutchouc destinée à empêcher les bruits et vibrations.

Les ailes "emboîtent" les roues pour faciliter l'écoulement des filets d'air, d'où appréciable gain de vitesse, de 6 à 8 % (l'aérodynamique, déjà !). La caisse déborde du châssis pour assurer plus de confort aux passagers, le marchepied constitué par un coffre parallélépipédique, dans lequel s'encastre la roue de secours, se prolonge dans l'intérieur de la voiture. Le faible poids de l'aluminium concourt à la légèreté de l'ensemble ("Le poids, voilà l'ennemi", disait Emile Mathis).

 

En France, le brevet de Viscaya est exploité par la carrosserie Million-Guiet. Lucien D'Ieteren en rachète aussitôt la licence pour la Belgique et équipera un certain nombre de châssis, notamment Panhard & Levassor et Minerva de cette carrosserie à l'allure tout à fait particulière et qui s'harmonise bien au radiateur en coupe-vent des Panhard & Levassor.

 

LA PÉRIODE STUDEBAKER                                                                                                                      

Cependant, en 1930, la carrosserie automobile est un art dont le déclin s'avère déjà irréversible. C'est certainement ce qui décidera Lucien D'Ieteren à entreprendre l'importation des voitures et camions Studebaker, une marque américaine relativement petite (en 1930, elle était 11ème sur le marché américain avec 51.6140 voitures vendues, alors que Ford, numéro 1, vendait 1.155.162 voitures).

 

Cette activité prit tant d'extension qu'en 1934, il fut décidé de mettre fin à la construction de carrosseries, pour entreprendre l'assemblage des Studebaker dans les locaux de la rue du Mail avec le personnel de l'atelier de carrosserie. Par ailleurs, vers la même époque, D'Ieteren s'était assuré l'exclusivité de l'importation des luxueuses voitures américaines Auburn. On vendit aussi des Oldsmobile et quelques Pierce-Arrow, mais c'est bien la Studebaker qui allait, dès maintenant, constituer le cheval de bataille des Anciens Ets D'Ieteren Frères.

 

Au cours de cette période, Pierre D'Ieteren, fils de Lucien, rentre dans l'entreprise après un long stage aux Etats-Unis. Une page est ainsi définitivement en train de se tourner. Ici s'arrête l'histoire qui concerne Panhard

 

Il serait toutefois injuste d'interrompre maintenant l'historique de la firme ce qui serait nier une partie capitale de son histoire, représentant près d'un tiers en temps, ainsi qu'une expansion prodigieuse qui se poursuit aujourd'hui. L'importation et le montage des Studebaker, en effet, allait croissant, et allait connaître un nouvel essor après la guerre, avec l'avènement des Studebaker 1947, dont la carrosserie inédite, oeuvre de Raymond Loewy, allait marquer son temps et connaître un vif succès dans notre pays.

En 1949, par exemple, les ventes de Studebaker se montèrent à environ 1700 voitures et 1000 camions, ce qui en faisait la troisième marque américaine chez nous derrière Chevrolet et Ford, et la treizième place toutes marques pour les voitures ou la septième, tous véhicules, juste devant.... Volkswagen (aux Etats-Unis, la marque était 8e cette année-là). Curieux hasard qui nous fait entrer dans le vif du sujet suivant..Studebaker 1951

 

UNE NOUVELLE USINE À FOREST POUR VW

En effet, en 1948, Pierre D'Ieteren avait obtenu la représentation pour la Belgique de la fameuse VW. Prévoyant l'extension des activités de la firme, et notamment de l'assemblage, il fut aussitôt décidé d'abandonner l'assemblage rue du Mail.

La pose de la première pierre de la nouvelle usine, sur un terrain situé à Forest, dans la banlieue bruxelloise, non loin des usines Citroën, eut lieu le 1er septembre 1948.

A peine sept mois plus tard, le 7 avril 1949, la première Studebaker en sortait, bien avant que l'usine ne soit achevée ! A la fin de l'année, plus de 1500 voitures y avaient déjà été assemblées.

 

LA FIN DU RÊVE AMÉRICAIN

En 1955, l'usine de Forest couvre 314.000 mètres carrés, produit environ 75 voitures par jour (VW et Studebaker) avec 750 ouvriers. La première VW était sortie de chaîne le 11 février 1954. Quatre ans plus tard, après de nouvelles extensions (45.000 m²), la production journalière passe à 160 véhicules, soit 125 Volkswagen, 16 VW utilitaires, 8 Studebaker, 2 camions Studebaker et 10 Porsche.

 

C'est ainsi que le 13 mai 1960 sortait la 100.000ème VW. Le déclin de Studebaker en particulier et des voitures américaines en général ont amené D'Ieteren à concentrer la production de l'usine de Forest, et l'organisation de vente, sur les seuls produits Volkswagen et Porsche.

 

Toutefois, pendant deux ans, de 1956 à 1958, D'Ieteren s'était adjoint la distribution des Packard, une firme américaine venue mourir dans le giron de Studebaker... qui devait disparaître aussi quelques années plus tard, en 1966.

 

D'IETEREN AUJOURD'HUI

Cela n'avait pas empêché D'Ieteren de croître et embellir grâce aux VW Coccinelle, dont le succès exceptionnel semblait ne jamais devoir finir, et qui étaient assemblées aussi pour l'exportation.

 

De 1949 à 1970, date à laquelle l'usine devint une société à part entière, 835.236 voitures ont été assemblées, soit 795.581 "coccinelles", 16.560 utilitaires VW, 636 Karmann-Ghia, 7.214 roadsters Porsche, 18.759 voitures Studebaker, 2.916 camions Studebaker, et enfin 60 Packard.

La millionième Coccinelle sortit en 1974, année où la société D'Ieteren obtint l'exclusivité de l'importation des véhicules Audi-NSU.

Par la suite, la responsabilité de l'usine de montage de Forest est passée sous le contrôle direct de Volkswagen, qui a décidé d'en accroître encore fortement la production, notamment en construisant de nouveaux bâtiments, sur les terrains rachetés, après la fermeture des usines Citroën en 1981, juste à côté, où sortaient naguère des Panhard Dyna, PL17, puis 24.

Aujourd'hui, plusieurs centaines d'Audi sortent chaque jour sur ce site. Quant à la société D'Ieteren qui a fêté en 2005 ses 200 ans,  elle importe  en Belgique les VW (1948), Audi (1974), Porsche (1950), Seat (1984), Skoda (1992), Bentley (2000) , Lamborghini (2001), Yamaha (1975) et MBK ! Une péripétie de plus dans son histoire, qui n'est certainement pas près de se terminer.